Voyage dans les Balkans

V

Montagne (chien de Patrick)Sur une montagne splendide mais parfois capricieuse, cruelle et inhospitalière, des hommes et des chiens perpétuent une vie pastorale inchangée depuis des siècles.

Sur Sar planina, le temps semble marquer une pause comme pour donner consistance à nos propres légendes. Ici, le chien lutte encore avec l’ours et le loup…

 

BERGERS DE SAR PLANINA

 

vieuxberger« C’est arrivé le 8 juillet 1976, à deux heures de l’après midi » dit d’une voix grave le vieux berger Jusuf, en remettant une bûche dans le poêle.

Serrés autour du feu, nous écoutons le vieil homme. Car il en connaît des histoires sur sa montagne, le Sar planina. Il y est né au début du siècle; ses parents et grands parents étaient bergers avant lui.

« C’était sur Korab, au sud-ouest de la montagne Char planina, à la frontière albanaise. Un berger gardait ses vaches sur les pâturages en haut de la montagne. Soudain, un énorme nuage glacé arriva. En 40 minutes, la température descendit à -30°C. Celà dura deux heures. Le lendemain, on a retrouvé le berger et ses 36 vaches morts. L’homme était raide comme un arbre, figé, complètement rigide. Les gens qui le portaient l’ont fait tomber, et il a roulé par terre, exactement comme une branche ».

paysage 2La vie est rude ici, à l’image de la montagne: la partie centrale du Sar planina (prononcer Char planina) est un terrain difficile, en certaines parties complètement dénudé. Le climat est de type montagnard; les hivers sont très longs et froids, avec beaucoup de neige, jusqu’à 2-3 mètres d’épaisseur, et les étés sont courts et frais. Avec une température annuelle moyenne de seulement 3,9°C, c’est la région la plus froide de Yougoslavie.

site 7Nous nous serrons tous les sept un peu plus autour du feu. A l’extérieur, le vent projette violemment les flocons de neige sur la batchila (bergerie d’altitude). Les trois bergers nous ont préparé de la chlivovits chaude (eau de vie de prune) pour nous réchauffer. Il y a là le vieux berger Jusuf, Hacim et un jeune berger de 14 ans.

 

Quand la nature prend sa revanche…

 

baciloNous avions décidé le matin même de rejoindre cette bergerie perdue sur Stogovo, une montagne située au sud du Char planina, en Macédoine. Nous avions appris qu’il y avait là-haut de très beaux spécimens de Charplaninatz originels. Une piste caillouteuse presque impraticable nous a mené tant bien que mal à Brochitsa, dernier village de la montagne. C’était une belle journée de septembre 1990, aussi nous décidâmes à 18 heures de rejoindre la bergerie située à 4 heures de marche. Notre guide Arslan connaissait bien l’endroit, et le Professeur Ferid Muhic, Patrick Rouchon et moi étions de bons marcheurs.

La tempête de neige arriva brusquement avec la nuit. Nous nous sommes rapidement perdus. Les pentes de Stogovo devenaient très glissantes. Le froid glacial rendait nos mouvements maladroits. Aveuglé par la tourmente, Arslan essayait vainement de trouver des points de repère pour nous guider vers la bergerie. Epuisés, nous tombions à chaque pas…

bacilaTrois heures plus tard, nous sommes dans cette batchila. Le feu, la chlivovits chaude, l’amitié franche et chaleureuse des bergers albanais font un contraste saisissant avec la brutale inhospitalité de la montagne.

D’abord intrigués par les aboiements des chiens, les bergers ont entendu nos appels. Ils sont venus à notre rencontre, guidés par notre lampe électrique. Premier contact avec les chiens, les Charplaninatz. Dans la tempête de neige, nous ne les voyons pas, mais nous sentons leur présence. Le jeune berger de 14 ans nous dit: « Les blancs ne vous attaqueront pas, mais méfiez-vous du gris: il n’a que 8 mois, mais c’est un très bon gardien ».

 

Mon compagnon de voyage Patrick Rouchon se souvient de cette épopée montagnarde:

bergers« Lorsque nous avons quitté le village, il faisait un temps magnifique, mais notre « guide » avait un peu sous-estimé le temps qu’il fallait pour rejoindre la bergerie d’altitude… Surpris par la nuit, puis par la neige, nos spécialistes de la montagne ont bel et bien perdu leur chemin, tandis que j’avais prêté mon blouson chaud à l’un de nos accompagnateurs qui n’avait sur le dos qu’une chemisette d’été…. C’est en tout cas pour cette raison, transi de froid et de faim que j’ai littéralement abandonné mon « précieux » appareil photo que mes doigts engourdis ne retenaient plus…

photoCe qui m’a sans doute le plus frappé, cette nuit-là, c’est probablement la puissance vocale de Ferid, tentant d’alerter les bergers de notre mésaventure, ainsi que la suite des évènements: au terme d’appels vocaux répétés, nous finîmes par entendre au loin l’aboiement typique de plusieurs Sarplaninac. Quelques minutes plus tard, sur un nouvel appel de Ferid, il était évident que ces aboiements se rapprochaient, jusqu’au crissement des pas dans la neige, bien avant la lueur diffuse des lampes à pétrole et la voix des bergers, en écho à celle de Férid.

Sauvés…ce fut mon sentiment instantané…nous étions sauvés et allions échapper enfin à la rigueur de cette montagne si belle quelques heures plus tôt et soudain devenue si inhospitalière. Le souffle court des chiens, accompagné du son rauque mais nullement hostile d’un grognement d’accueil inoubliable; le contournement furtif de notre petit groupe, jusqu’au contact d’une, puis deux truffes fraîches et humides le long de nos vêtements.

Montagne(jeune berger et son chien)Jamais je n’oublierai l’arrivée à la batchila, sous l’escorte confortable des chiens et de deux jeunes bergers, ni la soirée qui a suivi, tandis que les chiens rejoignaient immédiatement au parc un troupeau étonné de ce remue-ménage nocturne inhabituellement « humain »!!

Quelle belle démonstration d’équilibre que l’intervention de ces chiens de protection, Saints Bernards improvisés pour touristes en goguette! Dans de telles conditions, le roi des canidés nous a clairement démontré qu’il était autre chose que cette stupide machine à crocs dont certaines stupides personnes voudraient nous faire l’apologie!

Cette leçon de choses vécue à différentes occasions lors de nos pérégrinations montagnardes, confirme formellement que comportement de protection et agressivité ne sont pas compatibles. »

 

Avec ses petits murs de pierres et, en guise de toit, des bâches en plastique retenues par des branches, la batchila semble bien fragile. Minuscule refuge perdue dans la montagne plongée dans la nuit…

Montagne(bacila Patrick)Ici, la nature prend sa revanche sur l’homme. Les surprises et caprices météorologiques sont fréquents sur le Char planina. Sur ce massif montagneux les conditions naturelles ont inévitablement façonné le mode de vie. Elles expliquent en partie les caractéristiques ethnologiques spécifiques, le folklore de cette région et ses coutumes, comme ce chant traditionnel que nous chantent maintenant les bergers autour du feu:

Trois bergers, perdus dans la tourmente sur le Char planina, lui adressent chacun une prière pour qu’il leur permette de survivre:

Le premier berger adresse sa prière: « Je t’en prie, Char planina, permets-moi de survivre: j’ai une épouse qui m’aime à la maison, et elle me regretterait; permets-moi de survivre ». Char planina lui dit: « L’épouse ne regrette que 6 mois: je ne te permets pas de survivre ».

patrick2Le deuxième berger adresse sa prière: « Je t’en prie Char planina, permets-moi de survivre: j’ai une soeur qui m’aime à la maison, et elle me regretterait; permets-moi de survivre ». Char planina lui dit: « La soeur regrette jusqu’au jour où elle trouve un mari: je ne te permets pas de survivre ».

Le troisième berger adresse sa prière: « Je t’en prie, Char planina, permets-moi de survivre: j’ai une femme qui m’aime à la maison, et ce n’est ni une épouse , ni une soeur: c’est ma mère, et elle me regretterait; permets-moi de survivre ». Char planina lui dit: « Je te permets de survivre car seule sa mère regrette un homme pour toujours ».

 

Question d’amitié…

 

bacila7Une lampe à pétrole éclaire faiblement l’intérieur de la bergerie. Un berger prépare le repas composé de poivrons grillés mélangés au fromage de brebis, avec un peu de viande de mouton. Contre les murs de la batchila, quelques branches entassées recouvertes d’épaisses couvertures servent de lit. Sur le feu, une marmite mijote doucement depuis 4 heures: elle contient la farine de maïs qui, mélangée au petit lait, sera le repas des Charplaninatz.

Dehors, le chiens veillent… Nous apprendrons le lendemain que, réveillé par les aboiements pendant la nuit, Hacim s’est levé et a aperçu un ours à 50 mètres de la bergerie…

chien de montagne assis brebisA l’aube, un froid glacial nous surprend en sortant de la batchila. Un millier de moutons sont parqués à côté de la bergerie, répartis en deux groupes. Il n’y a apparemment pas de chiens. Les Charplaninatz auraient-ils abandonné les moutons? Mais au milieu du premier troupeau, une tête se lève: c’est une tête de Karabash, de couleur blanc-crème avec un masque noir. Notre présence l’a réveillé. Les bergers sourient de notre méprise: « Les chiens marchent souvent parmi les moutons tête et queue baissées, et il est souvent impossible de les distinguer ».

Nous nous apercevrons peu à peu qu’il y a beaucoup plus qu’une ressemblance morphologique entre eux et les moutons. Tout se passe en effet comme si les Charplaninatz faisaient partie du troupeau.

L’apparente préférence qu’ils ont pour la compagnie des bêtes qu’ils gardent est remarquable; ils restent avec le troupeau où qu’il aille. Le chien traite le mouton comme un autre chien, et le mouton traite le chien comme un autre mouton. Nous avons même pu observer un chiot Montagne (chien couche agneau)Charplaninatz téter goulûment une brebis. D’après les bergers, Charplaninatz et moutons essaieraient parfois de s’accoupler! Il s’agit d’une réelle amitié: « Quand un mouton est malade, ou quand une brebis s’écarte du troupeau pour agneler, le Charplaninatz l’accompagne et peut rester 2-3 jours à ses côtés pour la protéger. »

site 8 (chien de 8 mois)

 

Dans le troupeau, Charplaninatz et moutons comprennent leurs signaux d’alerte respectifs: quand un étranger ou un prédateur s’approche, le chien s’avance immédiatement en aboyant, et les moutons se rassemblent derrière lui comme s’il était le bélier dominant… Les attaques de prédateurs, lynx, ours et surtout loup ne sont pas rares dans cette région de la Yougoslavie: « Hier, le troupeau a été attaqué par un ours, nous dit Jusuf, Il s’avançait, menaçant, les chiens aboyaient. Soudain, Murdjo, le Charpaninatz gris de 8 mois, a foncé sur lui et l’a fait fuir. »

Nombreuses sont les histoires vraies de Charplaninatz morts pour défendre leur troupeau. Comment une telle amitié a-t-elle pu naître entre un chien, à l’origine prédateur, et le mouton, sa proie?

 

Les chiens peureux sont lapidés en public…

 

Berger2Le vieux Jusuf et Hacim ont chacun leur troupeau. Les 600 moutons de Hacim sont parqués contre la batchila. Cinq Charplaninatz les gardent: un Murdj (gris fer), deux Merdjan (blancs) et deux Karabash (crème avec un masque noir). Dans un enclos à 50 mètres de la bergerie, se trouvent les 400 moutons de Jusuf, et 3 Charplaninatz sont couchés non loin d’eux: deux Merdjan (blancs) et un Baljuch (blanc avec quelques taches grises et une liste blanche sur la tête).

« Mes Charplaninatz et ceux de Hacim ne sont jamais ensemble », confie Jusuf. « Pourtant, nous merdjan2sommes dans cette batchila depuis 4 mois. Les deux groupes de chiens s’évitent et restent avec leurs troupeaux respectifs. Si, par exemple, un chien de Hacim s’aventurait près de mes moutons, il serait immédiatement attaqué par mes chiens comme s’il s’agissait d’un prédateur. »

Allongés dans l’herbe, les 3 Charplaninatz de Jusuf semblent désintéressés.

3merdjan« Approchez-vous des moutons », nous dit le berger. Apparemment, les chiens ne manifestent aucune curiosité à notre égard. Ils sont placés entre nous et le troupeau. Nous avançons de quelques pas. Un léger changement dans la posture des chiens nous indique que nous avons atteint la limite à ne pas dépasser. Brusquement, le Baljus s’avance vers nous en aboyant. Jusuf s’interpose avec un bâton pour le repousser.

Montagne (berger et ses 3 chiens)

Quand les moutons sont dans un enclos ou occupés à brouter paisiblement, le Charplaninatz est souvent couché à côté. Il semble tranquille et désintéressé, mais en fait, il est toujours en alerte. Lorsqu’il voit un loup ou un étranger, il devient vif comme l’éclair: personne n’a le droit de s’approcher. »

Montagne(1 chien collier)Il n’y a la aucun méchanceté gratuite: le Charplaninatz fait tout simplement son travail. Les conditions naturelles difficiles dans lesquelles il vit et les combats fréquents contre les loups ont aussi façonné son caractère: face à un agresseur, le Charplaninatz est redoutable.

Sur le Char planina, les chiots subissent une sélection rigoureuse, entièrement fondée sur Karabach et murdjles lois de la nature. Seuls les jeunes pouvant résister aux rudes conditions de vie survivront. La tradition veut qu’ils subissent un test cruel et sanglant: quand les bergers attrapent un loup, ils l’attachent et le transportent de maison en maison à travers le village. Le loup, attaché et acculé, se débat, provoquant les chiens. Ceux-ci doivent montrer leur courage. Les chiens peureux ou désintéressés sont lapidés en public; seuls les Charplaninatz attaquant furieusement leur mortel ennemi seront utiliséscollier4 pour la reproduction. On leur met alors un collier métallique muni de pointes pour les protéger des loups. C’est une telle sélection qui a donné au Charplaninatz son caractère primitif et authentique.

 

Le loup: un ennemi héréditaire…

 

feridOn raconte même que toutes les 5 générations, certains bergers croisent leur chien avec un loup, pour ne pas perdre cette agressivité indispensable. Il y a d’ailleurs à Skopje (capitale de la Macédoine) un musée où l’on peut observer un croisé Charplaninatz – loup… (naturalisé).

« Son agressivité, sa force et sa rapidité sont les 3 grandes qualités qui lui permettent de survivre », explique Hacim. « Dans leurs combats contre le chien, les loups semblent employer une véritable stratégie: l’un d’entre eux attire le Charplaninatz loin du troupeau, pendant que les autres attaquent les moutons. Mais rapidement, le chien fait demi-tour et retourne vers les bêtes. Son attaque est fulgurante: lancé à toute vitesse, il projette le prédateur sur le sol, le maintient plaqué à terre et le mord au niveau des testicules avant de l’égorger. »

collierLes chiens d’Hacim connaissent d’instinct leur travail. Point n’est besoin de dressage. La nuit, ils se placent d’eux-mêmes aux 4 coins du troupeau, pour mieux veiller sur les moutons. Cette année, sur 1600 bêtes, seulement 10 ont été tuées par les loups. Mais il y a eu des mauvaises années où, malgré la présence des chiens, jusqu’à 10% des moutons ont été perdus.

murdj8mois

En échange de leur aide indispensable, Hacim nourrit copieusement ses compagnons: farine de maïs et petit lait avec parfois un peu de viande de brebis et des os le matin, rien le soir car ils seraient moins alertes pendant la nuit. Quand il leur distribue leur nourriture, Hacim les tient toujours éloignés: « mes chiens ont combattu contre les loups alors qu’ils mangeaient, depuis, personne ne peut les approcher sous peine d’être mordu lorsqu’ils prennent leur repas. »

Montagne( paysage, brebis, berger)Chaque année, à la fin du printemps, Hacim et Jusuf emmènent leurs troupeaux dans les hauts pâturages, où ils demeurent tout l’été. Aujourd’hui, comme chaque année vers le 15 septembre, les moutons redescendent dans la vallée , à Brochitsa , où ils pourront trouver du fourrage pour l’hiver.

Le troupeau commence sa longue descente. Les bêtes ne sont pas pressées. Pas besoin de chiens pour les conduire. Ici, il n’y a pas de routes, pas de champs cultivés , seulement d’immenses pâturages et, plus bas, la forêt.

Les paysages sont grandioses. Nous surplombons la rivière Radika qui a creusé son chemin à travers la montagne; sa vallée profonde ressemble à un canyon. Derrière se dresse la montagne Korab, à la frontière albanaise. Sur la droite, le Char planina: pâturages infinis, eau claire et cristalline des lacs entourés de sombres forêts, torrents jaillissants, exubérants avec des rapides et de splendides chutes; le Charplanina est l’une des plus hautes et des plus belles montagnes de Yougoslavie.

Les Charplaninatz suivent le troupeau et semblent désintéressés. Parfois, ils jouent entre eux, perdant pendant quelques instants leur sérieux légendaire. Lorsqu’un groupe de moutons s’arrête pour brouter, ils se couchent à ses cotés et semblent dormir. Mais qu’on ne s’ytranshumance21 trompe pas, ils restent en alerte! Lorsque les bêtes passent à l’orée d’un bois, le Charplaninatz va se placer quelques dizaines de mètres au dessus, et observe les moutons de son promontoire. Et lorsque son ouïe fine perçoit un bruit suspect dans la forêt, il devient vif comme l’éclair et fonce en aboyant voir ce qui se passe.

Après une journée de marche, nous arrivons au village. Les habitants de Brochitsa, albanais musulmans, comme la plupart des habitants de la montagne, sont venus nous accueillir. Ici, la vie a peu changé au fil des siècles. La situation économique est très difficile: presque 100% des gens sont au chômage, et pour survivre, les jeunes retournent garder les moutons sur la montagne.

Il n’y a que des hommes et des enfants dans les ruelles. Et lorsque nous sommes invités à entrer dans une maison, nous ne voyons jamais les épouses et les filles des habitants. Elles nous préparent le café dans la cuisine, et lorsqu’il est prêt, frappent à la porte pour indiquer à leur mari qu’il peut venir le chercher…
Montagne(jeune berger et son chien)Pour le Charplaninatz, le retour au village signifie le plus souvent fin de la vie libre: la plupart sont attachés tout l’hiver et gardent la maison. Certains, les plus forts, sont alors entraînés pour les combats de chiens, une tradition très ancienne. Le plus important a lieu chaque année au mois d’août à Tetovo. C’est une véritable compétition où le Charplaninatz sert le prestige d’une famille ou d’un village. D’après les bergers, le combat contre le loup est différent de celui contre le chien; contre le loup, c’est un combat jusqu’à la mort, alors qu’entre chiens, si l’un adopte une position de soumission, le combat s’arrête.

Tradition ancestrale ou coutume barbare? La vie est ici à l’image de la montagne Char planina, cruelle est sans pitié pour le faible, mais d’une beauté impressionnant pour celui qui le mérite.

site 4 (Ferid)

Le Professeur Ferid Muhic, notre irremplaçable guide lors de nos voyages dans les montagnes du sud des Balkans

 

Texte: © Sébastien Mirkovic

Photos: © Patrick Rouchon et Sébastien Mirkovic (septembre 1990)

 

Post-scriptum:

MERDJANaccompagne

En parcourant cette article que j’avais écrit il y a 22 ans pour le magazine “Vos chiens – juillet/août 1991”, le lecteur doit bien garder à l’esprit qu’il s’agit d’un monde bien différent du nôtre. Les prédateurs, ours et surtout loups, sont très nombreux dans les montagnes du sud des Balkans, et sans l’aide indispensable du Charplaninatz, auxiliaire de travail irremplaçable des bergers, les troupeaux seraient décimés. Les bergers sont seuls, dans l’immensité de la montagne, avec leurs brebis, leurs chiens et… les loups, nombreux.

Ainsi, lorsqu’ils insistent sur le courage, et même sur l’agressivité de leurs chiens, cela nous paraît incompatible avec ce que l’on demanderait à nos chiens de protection dans nos montagnes occidentales, sillonnées par des chemins de grandes randonnées qui sont parcourus par de nombreux touristes et leurs chiens. Chez nous, le rôle d’un chien de protection est clairement dissuasif, et toute agressivité de sa part est proscrite. Mais sur les montagnes des Balkans, les affrontements avec les prédateurs sont fréquents, et, alors que nous souhaitons des chiens de protection calmes et pondérés, les bergers de Char planina mettent en avant l’énergie détonante et le courage que leurs chiens sont capables de déployer face à celui qui attaque leur troupeau.

Montagne (coni)

Quant aux combats de chiens, il s’agit bien sûr d’une pratique d’un autre âge, inadmissible de nous jours, même si de hauts responsables cynophiles yougoslaves y participaient encore…

Il faut donc bien garder à l’esprit que les rudes populations montagnardes musulmanes du sud des Balkans ont une autre perception de la vie que nous. Loin de moi l’idée de faire l’apologie de l’agressivité chez le chien de protection. Je pense au contraire que ce comportement est pathologique et inadmissible dans notre société actuelle.

Sébastien Mirkovic

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